Alors que l'ancien président dédicace son nouveau livre écrit en prison, un autre ouvrage de 216 pages, écrit au Bic sur un petit nuage en contreplaqué, relate les conditions de détention posthume du créateur des Flottins à la prison céleste. La maison d'édition annonce déjà un tirage exceptionnel.
Vingt-et-un jours après son décès survenu le 17 novembre, Alain Benzoni, surnommé Benzo, vient de publier un ouvrage coup-de-poing depuis l’au-delà. Dans ce “Journal d’un décédé” qui sort ce mercredi, le fondateur du Théâtre de la Toupine raconte les conditions “éreintantes et culpabilisantes” de sa détention dans l’outre-monde.
“J’ai été frappé par l’absence de toute couleur. Le blanc dominait tout, dévorait tout, recouvrait toutes les surfaces”, écrit le créateur du Fabuleux Village des Flottins dans les premières lignes de son récit. Une description qui contraste fortement avec l’univers foisonnant et coloré qu’il avait imaginé avec ses sculptures en bois flotté à Évian.
Un quotidien paradisiaque qu’il juge “âpre et douloureux”
Dans son manuscrit rédigé “d’un seul jet” sur une petite table céleste, Benzo décrit un enfermement de 23 heures par jour dans une cellule de 12 mètres carrés. “Ma porte était constamment fermée. Je ne pouvais jamais quitter ma cellule et déambuler sur les nuages. J’avais plutôt moins de droits que les autres décédés”, se plaint celui qui avait pourtant passé sa vie à créer des univers de liberté et de poésie.
L’ancien saltimbanque affirme s’être nourri exclusivement “de laitages divins, de barres de céréales angéliques, d’eau bénite et de quelques douceurs sucrées célestes”, ne souhaitant ni ne sachant cuisiner sur la petite plaque électrique éternelle mise à sa disposition.
“J’avais gravi un à un les échelons de la vie sociale tout au long de mon existence. Je venais de redescendre d’un seul coup au paradis”, écrit-il dans un passage particulièrement émouvant.
“Je me suis agenouillé pour prier… puis j’ai réalisé l’absurdité”
Benzo raconte s’être agenouillé pour prier dès le premier jour de son incarcération céleste, avant de se rendre compte qu’“ici, personne ne répond, pour cause”. Le directeur du Théâtre de la Toupine confie avoir été particulièrement affecté par “l’ambiance générale de culpabilité” qui règne dans l’au-delà. “Si je n’y prenais garde, je pouvais finir par me sentir coupable d’avoir créé des spectacles gratuits et non-marchands pendant quarante ans.”
Dans son ouvrage, le créateur d’“Au Bonheur des Mômes” clame son innocence complète concernant les accusations posthumes qui pèsent sur lui. “Tant que je disposerai d’un souffle de vie… ah non pardon, tant que je disposerai d’un souffle tout court, je me battrai pour démontrer que mes festivals n’étaient pas des marchés de Noël déguisés.”
Un appel à un “rassemblement des décédés le plus large possible”
Au-delà du récit carcéral céleste, l’ouvrage contient également des passages politiques qui font déjà trembler le monde culturel haut-savoyard. Benzo y révèle avoir passé un appel téléphonique posthume avec la présidence de l’interco pour assurer qu’il ne participerait à aucun “front républicain culturel” contre les marchés de Noël mercantiles.
“Le chemin de reconstruction du spectacle vivant ne pourra passer que par l’esprit de rassemblement le plus large possible, y compris avec ceux qui vendent des bonnets en plastique made in China sur les marchés de Noël”, écrit-il dans un passage qui a choqué ses anciens collaborateurs du festival Au Bonheur des Mômes.
Josiane Lei, maire d’Évian, a réagi avec émotion : “Je garde de lui ce côté créateur et rêveur. Même décédé, il arrive à nous emmener là où il veut, et à chaque fois c’est réussi… mais là quand même, il va un peu loin.”
Le livre est d’ores et déjà promis à un beau succès d’édition. La première séance de dédicaces, prévue au Théâtre de la Toupine ce mercredi, devrait attirer plusieurs centaines de personnes, venues rendre un dernier hommage à cet homme qui, même depuis l’au-delà, continue de faire parler de lui.
Le “Journal d’un décédé” est disponible en librairie au prix de 20,90€, avec une édition collector comportant un véritable morceau de bois flotté authentifié par saint Pierre en personne.
V.S. et S.G. d’après d’une idée de D.L.


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